Par Jürgen Klute

[Pour la version allemande, cliquez ici – la version allemande est légèrement modifiée en raison du public différent]

[Cliquez ici pour la version anglaise – elle est identique à la version française]

« Le commerce et le climat n’étaient pas les seules questions à l’ordre du jour de la délégation. La situation des droits de l’homme, les droits des minorités, les droits de l’opposition politique et les droits des femmes constituaient un autre sujet important. Il y a toujours des gens – surtout de Brazzaville – qui viennent en Europe pour chercher une protection contre la persécution, la torture et la menace de meurtre. Les Etats européens partagent la responsabilité de la situation précaire des droits de l’homme dans les deux Congo. »

Pendant longtemps, le continent africain n’a joué qu’un rôle subalterne dans la prise de conscience des pays européens. Ceci est en train de changer dans la perspective de la transition énergétique. Le continent africain est riche en énergie solaire et donc, d’un point de vue européen, prédestiné à la production d’énergie solaire et d’hydrogène vert. Il est également riche en matières premières dont l’Europe a un besoin urgent pour sa transition énergétique. L’arrêt des livraisons de gaz russe à la suite des sanctions prises contre la Russie en raison de la guerre d’agression contre l’Ukraine a également recentré l’attention sur les pays africains, qui pourraient combler du moins temporairement, le fossé énergétique créé.

La République Démocratique du Congo est le pays qui possède la deuxième plus grande superficie de forêt tropicale, après le Brésil et la forêt Amazonienne. Cela rend la République Démocratique du Congo intéressante non seulement en termes de ressources minérales, mais également pour le rôle important qu’elle devra jouer dans la politique climatique au niveau mondial.

La mission de la délégation du groupe parlementaire sur l’Afrique centrale du Bundestag Allemand en République du Congo et en République Démocratique du Congo du 5 au 10 mars 2023 doit être considérée à la lumière de ce contexte.

Les sujets mentionnés étaient à l’ordre du jour de la délégation lors de cette mission. Ce qui m’a été confirmé par le député de gauche du Bundestag, André Hahn, qui a participé à la mission de la délégation, lors d’un entretien que j’ai mené avec lui au sujet de cette mission dans les deux Congo.

Brazzaville et Kinshasa, les deux capitales de la République du Congo et de la République Démocratique du Congo, ne sont séparées l’une de l’autre que par le fleuve Congo et la frontière nationale qui le traverse : Brazzaville se trouve sur la rive nord du fleuve Congo, Kinshasa sur la rive sud. La délégation allemande a rencontré des hommes politiques des deux pays ainsi que des représentants d’organisations de la société civile.

Selon André Hahn, les discussions ont porté sur des questions de politique économique et climatique. La préservation de la forêt tropicale a été une préoccupation importante pour la délégation allemande. En effet, le bois de la forêt tropicale sert aujourd’hui également de source d’énergie. La déforestation progressive de la forêt tropicale ne détruit pas seulement le deuxième poumon vert de la planète, mais la combustion du bois produit également des émissions de CO2 qui contribuent à l’aggravation du climat.

Selon André Hahn, la délégation a toutefois dû constater que les États africains ne se contentent pas aujourd’hui de se plier aux souhaits et aux exigences des États européens. Ils ont confronté les membres de la délégation à la forte contribution des pays européens au réchauffement de la planète et ont exigé que les États européens apportent d’abord leur contribution à la protection du climat afin de montrer qu’ils prennent eux-mêmes la protection du climat au sérieux et qu’ils ne veulent pas poursuivre la nécessaire protection du climat uniquement aux dépens des pays africains.

Mais le commerce et le climat ne sont pas les seuls sujets à l’ordre du jour de la délégation. La situation des droits de l’homme, les droits des minorités, les droits de l’opposition politique et les droits des femmes constituaient un autre sujet important. Que des questions aussi sensibles soient abordées n’est pas une évidence. Il est d’autant plus important que ces questions soient également prises en considération. Il y a toujours des gens, surtout de Brazzaville, qui viennent en Europe pour chercher une protection contre la persécution, la torture et la menace de meurtre. Parmi elles, on trouve des membres de la minorité ethnique Lari. Selon des personnes connaissant bien la région, ils sont soumis à une forte pression de persécution. Selon ces personnes connaissant bien la région, cela est dû en partie aux conflits concernant l’utilisation des zones de peuplement par des sociétés minières étrangères, dont certaines viennent d’Europe. Ainsi, les États européens partagent, du moins en partie, la responsabilité de la situation précaire des droits de l’homme dans les deux Congo.

La directive européenne sur le devoir de diligence des entreprises en matière de développement durable oblige les entreprises européennes à assumer la responsabilité du respect des lois sur la protection du climat et des droits de l’homme dans le cadre de leurs activités en dehors de l’UE. La directive de l’UE est basée sur un accord de l’ONU négocié depuis 2014 sur des normes contraignantes en matière de droits humains pour les entreprises (Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme : Mise en œuvre du cadre « Protéger, respecter et réparer » des Nations unies). Cependant, le gouvernement allemand tente depuis des années d’empêcher la mise en œuvre de cet accord par tous les moyens imaginables (voir : « Wer die Durchsetzung von Menschenrechten in Unternehmen tatsächlich blockiert »). En effet, au début de l’année 2022, la Commission européenne a soumis le projet de la directive européenne susmentionnée au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne pour consultation et adoption.

André Hahn a clairement indiqué au cours de la conversation que les discussions sur la politique climatique et les droits de l’homme n’ont pas été faciles. La raison en est, comme je l’ai déjà mentionné, l’histoire coloniale de l’Europe, qui est loin d’être réglée. En Europe, on oublie souvent lorsque les hommes politiques imposent aux gouvernements africains des exigences en matière de politique climatique et de droits de l’homme. Bien sûr, il est fondamentalement juste d’insister sur le respect des droits de l’homme, des droits de la femme, des droits des minorités et des mesures de protection du climat.

Mais si ces exigences sont formulées avec arrogance et en connaissance de cause, si les négociations ne se déroulent pas sur un pied d’égalité et si les mêmes règles ne sont pas respectées par la partie européenne, les hommes politiques européens ne trouveront pas d’interlocuteur auprès de leurs collègues africains. En effet, les États africains ne dépendent plus exclusivement de l’Europe. La Chine et, dans une certaine mesure, la Russie qu’on le veuille ou non, sont une alternative à l’Europe pour les gouvernements africains.

Par conséquent, le principe suivant s’applique sur le plan politique : tant que les États européens n’auront pas trouvé le moyen d’assumer leur histoire coloniale de manière critique afin qu’un dialogue politique puisse enfin avoir lieu sur un pied d’égalité avec les gouvernements africains, il sera difficile pour les hommes politiques européens de défendre de manière crédible la politique climatique et les droits de l’homme. Tant qu’il en sera ainsi, les États européens devront reconnaître leur responsabilité dans cette situation et l’assumer en offrant une protection aux personnes qui fuient leurs pays d’origine africains vers l’Europe pour échapper à la persécution et à la misère.

Titelbild:

Auch ein Blog verursacht Ausgaben ...

… Wenn Ihnen / Euch Europa.blog gefällt, dann können Sie / könnt Ihr uns gerne auch finanziell unterstützen. Denn auch der Betrieb eines Blogs ist mit Kosten verbunden für Recherchen, Übersetzungen, technische Ausrüstung, etc. Eine einfache Möglichkeit uns mit einem kleinen einmaligen Betrag zu unterstützen gibt es hier:

1686